Une infirmière libérale peut refuser un soin, mais dans un cadre strictement encadré par le code de déontologie. Ce droit de refus n'est légitime que pour des raisons professionnelles ou personnelles valables, et l'infirmière doit impérativement assurer la continuité des soins en orientant le patient vers un confrère ou une structure adaptée et transmettre les informations nécessaires.

Refus de soin par une infirmière : ce que dit la loi

Le droit de refuser un soin par une infirmière libérale est encadré par des textes législatifs et réglementaires précis. Comprendre ce cadre juridique est essentiel pour les professionnels de santé comme pour les patients.

Le code de déontologie des infirmiers

L'article R4312-10 du code de la santé publique indique qu'un infirmier peut refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, à condition de ne jamais nuire au patient et d'assurer la continuité des soins. Ce principe fondamental repose sur la liberté d'exercice du professionnel de santé tout en garantissant la protection de la personne soignée. 

L'article R4312-11 précise que cette possibilité de refus ne peut s'exercer qu'en dehors des situations d'urgence et lorsque l'interruption des soins ne met pas en danger la vie ou la santé du patient. Le code impose également le respect du secret médical, de la dignité et de la vie privée de la personne. L'ordre des infirmiers veille à l'application de ces règles déontologiques. L'IDEL (infirmier diplômé d'état libéral) doit suivre scrupuleusement ces dispositions dans sa pratique quotidienne, en tenant compte à la fois de ses droits et de ses obligations envers les personnes dont il a la charge.

Les droits du patient face au refus

Le patient dispose de droits fondamentaux qui doivent être respectés, même en cas de refus de soins. La loi garantit au patient le droit à l'information claire sur sa situation, le droit d'exprimer son consentement libre et éclairé, et le droit de refuser un traitement. L'article L 11103 du code de la santé publique protège l'autonomie décisionnelle de la personne. Lorsqu'une infirmière libérale refuse de prendre en charge un patient, elle doit expliquer les raisons de sa décision et proposer des alternatives.

Le patient peut alors contacter un autre infirmier libéral ou une structure de soins. En cas de refus jugé discriminatoire ou contraire aux règles déontologiques, le patient a la possibilité de déposer une plainte auprès de l'ordre des infirmiers ou d'engager une procédure juridique. Le respect des droits du patient passe aussi par la transmission du dossier médical pour assurer la continuité de la prise en charge. Cette relation entre soignant et patient repose sur la confiance, le dialogue et l'écoute mutuelle, même dans les circonstances difficiles.

Les motifs légitimes de refus de soin par une infirmière libérale

Une infirmière peut invoquer plusieurs motifs pour refuser une prise en charge, à condition qu'ils soient justifiés et conformes à la réglementation.

Raisons professionnelles valables

Certaines raisons professionnelles permettent légitimement à un infirmier de refuser un soin sans contrevenir à la déontologie. L'incompétence ou le manque de compétence spécifique constitue un motif valable : si l'acte demandé dépasse le champ de pratique de l'infirmier ou nécessite une formation qu'il ne possède pas, le refus est légitime et même obligatoire pour ne pas mettre en danger le patient. Par exemple, certaines techniques de soins complexes requièrent une expertise particulière. 

L'absence de prescription médicale pour un acte qui en nécessite une justifie également le refus. Une surcharge de travail compromettant la qualité des soins peut constituer un motif, permettant d'exercer un droit de retrait si la sécurité est compromise. Les circonstances matérielles inadaptées (manque d'équipement, conditions d'hygiène insuffisantes) sont aussi des raisons légitimes. L'impossibilité d'assurer un suivi adéquat ou la prise en charge d'un patient nécessitant une équipe pluridisciplinaire indisponible justifient d'orienter vers une structure plus adaptée. Le professionnel doit alors expliquer sa décision et orienter vers un confrère apte à réaliser le soin.

Raisons personnelles et clause de conscience

Le code reconnaît également le droit de refuser pour des raisons personnelles, dans un cadre strictement défini. La clause de conscience permet à un infirmier de refuser de participer à certains actes contraires à ses convictions personnelles, notamment en matière de fin de vie ou d'interruption volontaire de grossesse

Cette liberté de conscience est protégée par la loi, mais ne doit jamais porter atteinte aux droits du patient ni compromettre sa santé. En cas d'invocation de cette clause, l'obligation d'orientation vers un autre professionnel demeure. 

Une mauvaise entente relationnelle persistante peut également justifier un refus, à condition qu'elle semble compromettre l'efficacité de la prise en charge et qu'elle ait fait l'objet de tentatives de dialogue. Cependant, un simple conflit de personnalité ne suffit pas : le professionnel doit expliquer objectivement que la relation thérapeutique ne peut s'établir. Les raisons personnelles ne peuvent en aucun cas être discriminatoires (refus basé sur l'origine, la religion, l'orientation sexuelle, etc.). L'infirmière doit justifier sa décision de manière claire et respecter la procédure d'orientation pour accompagner le patient vers une solution alternative.

Les obligations de l'infirmière en cas de refus

Même en situation de refus légitime, l'infirmière libérale reste tenue par des obligations strictes pour protéger le patient.

Assurer la continuité des soins

La continuité des soins constitue un principe fondamental du code de déontologie des infirmiers. Selon l'article R4312-10, l'infirmier qui refuse de prendre en charge un patient ou souhaite interrompre des soins déjà commencés doit impérativement assurer la continuité en orientant vers un confrère ou une structure adaptée. Cette obligation implique de contacter activement d'autres professionnels, de transmettre les informations médicales nécessaires (avec l'accord du patient), et de veiller à ce que le patient ne soit pas laissé sans prise en charge. 

L'interruption de soins infirmiers doit être progressive et planifiée, jamais brutale. Le professionnel doit informer le médecin prescripteur, remettre au patient les coordonnées de confrères disponibles, et si nécessaire, partager le dossier de soins. Cette démarche d'accompagnement du patient vers une solution alternative est essentielle pour ne pas nuire au patient ni compromettre son état de santé. Le respect de ce principe protège à la fois le patient et le professionnel en cas de plainte ou de contentieux. L'infirmière doit documenter toutes ses démarches dans le dossier pour prouver qu'elle a rempli ses obligations.

Les situations d'urgence : impossibilité de refuser

Dans certaines circonstances, le refus de soin est strictement interdit et constituerait une faute grave. Face à une situation d'urgence où existe un danger grave et imminent pour la vie du patient, l'infirmier a l'obligation de porter assistance et ne peut refuser d'intervenir. L'article 223-6 du code pénal sanctionne la non-assistance à personne en danger. Cette obligation s'applique quel que soit le motif invoqué, y compris l'absence de prescription ou les raisons personnelles. 

Le professionnel de santé doit effectuer les actes nécessaires pour stabiliser l'état du patient et contacter les moyens de secours appropriés. Une fois l'urgence passée et la sécurité du patient assurée, l'infirmière peut alors orienter vers un autre professionnel si elle estime ne pas pouvoir assurer le suivi. Cette obligation d'assistance prime sur toutes autres considérations et s'inscrit dans le cadre du devoir d'humanité. Le refus d'intervenir en urgence expose l'infirmier à des sanctions pénales, disciplinaires de l'ordre, et à d'éventuelles poursuites civiles. Cette règle protège la vie et la santé des personnes en situation de vulnérabilité extrême.

Les cas où le refus de soin n'est pas autorisé

Certains motifs de refus sont illégaux et exposent l'infirmier à de graves sanctions. Il est crucial de connaître ces limites pour exercer en conformité avec la loi.

Discrimination et refus illégitimes

Tout refus de soins fondé sur des critères discriminatoires est strictement interdit par la loi. L'article L1110-3 du code de la santé publique et l'article 225-1 du code pénal interdisent toute discrimination basée sur l'origine, le sexe, la situation familiale, l'apparence physique, l'état de santé, le handicap, les opinions politiques, les convictions religieuses, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. Un refus fondé sur l'un de ces critères constitue une faute grave passible de sanctions pénales (jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende), disciplinaires de l'ordre des infirmiers, et civiles. 

La simple suspicion de discrimination peut faire l'objet d'une plainte auprès des autorités compétentes. Le refus pour raison financière (patient bénéficiaire de l'AME ou de la CMU-C) est également discriminatoire. L'infirmière libérale ne peut invoquer un désaccord avec le mode de vie du patient ou un jugement moral pour refuser sa prise en charge. Ces refus illégitimes portent atteinte aux droits fondamentaux et à la dignité de la personne. La lutte contre ces pratiques discriminatoires est une priorité de santé publique.

Abandon de patient et conséquences juridiques

L'interruption brutale de soins sans assurer la continuité constitue un abandon de patient, faute grave aux multiples conséquences. Le code de déontologie interdit formellement d'interrompre la prise en charge d'un patient sans avoir préalablement organisé la continuité avec un autre professionnel. L'abandon expose l'infirmier à des sanctions disciplinaires de l'ordre (avertissement, blâme, suspension temporaire ou définitive d'exercice), à des poursuites pénales si le patient subit un préjudice (mise en danger de la vie d'autrui), et à des poursuites civiles pour réparation du dommage causé.

Les conséquences peuvent être dramatiques pour le patient, notamment s'il est en situation de dépendance ou nécessite des soins réguliers. Par exemple, l'arrêt brutal du traitement d'une plaie chronique ou de soins palliatifs sans relais peut aggraver l'état de santé ou provoquer des complications. Cette responsabilité professionnelle est engagée même en cas de conflit avec le patient ou ses proches. La procédure légale d'interruption nécessite un délai raisonnable, une information écrite, et la preuve des démarches effectuées pour trouver un relais. L'infirmière doit garder une trace de ses tentatives de transmission du dossier et des contacts établis.

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